Les causes des difficultés financières de la prévoyance professionnelle
En tant que principal pilier de la prévoyance vieillesse, la prévoyance professionnelle fait face à des défis de taille depuis longtemps déjà. En effet, le capital vieillesse épargné ne permet plus de financer les retraites promises aux retraités actuels. Cela est dû à trois raisons:
- Premièrement, aujourd'hui, on vit nettement plus vieux qu’à l’époque de la création de la prévoyance professionnelle.
- Deuxièmement, les intérêts sont extrêmement faibles depuis plus de dix ans, si bien que les revenus générés par les placements s’effritent. L’intérêt ne remplit donc plus sa fonction prévue de «troisième cotisant» aux côtés de l’employé et de l’employeur.
- Troisièmement, les dispositions légales rigides entraînent des garanties excessives – prenant la forme de taux de conversion trop élevés ou de promesses d’intérêts irréalistes. Les institutions de prévoyance doivent financer ceux-ci avec une part non négligeable des revenus des placements des actifs, qui sont redistribués en faveur des retraités.
La LPP est en difficulté – pourtant, la population ne s’inquiète pas. Pourquoi?
1. Les avoirs de caisse de pension font partie du patrimoine - mais beaucoup ne le savent pas
La majorité des assurés actifs ne savent pas que leurs avoirs de caisse de pension leur appartiennent: 44 pour cent de la population suisse seulement considèrent leurs avoirs de caisse de pension comme élément du patrimoine personnel. La majorité des gens n’en ont donc pas conscience. Pourquoi? Cela peut s’expliquer, entre autre, par le fait que les cotisations de la caisse de pension sont déduites directement du salaire et ne sont pas déclarées en tant que patrimoine dans la déclaration d'impôts. Pour cette raison, beaucoup n’ont pas conscience que l’argent leur appartient toujours. À cela s’ajoute que seule une personne interrogée sur six connaissait le montant précis de ses avoirs de caisse de pension actuels et futurs.
«44 pour cent des Suisses seulement savent que les avoirs de caisse de pension font partie de leur patrimoine personnel.»
2. Le taux de conversion est mal compris
La plupart des personnes interrogées perçoivent la baisse potentielle du taux de conversion comme un risque majeur pour leur rentes futures. Pourtant, c’est précisément l’inverse: c’est justement parce que le taux de conversion n’a pas encore été abaissé aujourd'hui, qu’une part significative des revenus des placements des actifs doit être redistribuée aux retraités.
3. La prévoyance n’est pas un thème qui passionne
Chez les jeunes adultes en particulier (de 18 à 25 ans), rares sont ceux qui s'intéressent au thème de la prévoyance vieillesse personnelle. Seul un tiers (29 pour cent) d’entre eux y réfléchit. Pourtant, plus de la moitié des jeunes adultes s’inquiètent de leurs revenus une fois à la retraite. L’interaction entre manque de connaissances et mal-être les tétanise. Ils sentent que quelque chose ne va pas mais comprennent trop peu la situation pour exiger des changements concrets.
«29 pour cent des jeunes adultes seulement s’intéressent à leur prévoyance vieillesse. Les autres ont tendance à éluder le sujet.»
4. La redistribution n’est pas perçue comme problématique
Près de la moitié des personnes interrogées (48 pour cent) croient que la redistribution dans le 2e pilier est équitable – elles n’ont pas conscience que le système a été pensé différemment et que l’argent en réalité leur appartient. Si les Suisses en avaient conscience, la pression politique se durcirait – c’est ce que pensent quatre personnes sur cinq (78 pour cent). Ces chiffres montrent à quel point il est important d’expliquer le fonctionnement de la prévoyance professionnelle et de mieux cerner les évolutions actuelles. En effet, bien comprendre la situation est essentiel pour se former une opinion fondée.
5. Conserver ou modifier?
D’après l'étude Fairplay, les rentes garanties dans l’actuelle LPP sont la principale explication de la perception positive de la redistribution: beaucoup de personnes interrogées espèrent pouvoir profiter de la redistribution elles aussi une fois le moment venu grâce aux rentes fixes. Mais cet espoir pourrait se révéler trompeur. En effet, le rapport entre actifs et retraités va encore se dégrader dans les prochaines années. La pyramide constituée de nombreux cotisants au pied et d’un nombre réduit de retraités et retraitées au sommet tend à se transformer en rectangle. Par conséquent, le risque est grand que le système pyramidal parvienne à ses limites. Les actifs d’aujourd’hui subiront une double peine: en ce moment, près de la moitié de leurs propres revenus des avoirs de caisse de pension est redistribuée. Mais eux-mêmes ne profiteront pas autant – voire même pas du tout – de cette redistribution à l’avenir.
6. Les rentes à part variable, une opportunité
Un bon tiers des personnes interrogées opterait pour une rente à part variable, assortie de garanties plus faibles. Les jeunes adultes en particulier pourraient nettement en profiter. En effet, une redistribution plus faible leur permettrait de générer davantage de rendement et d’exploiter pleinement l’effet des intérêts composés sur le long terme. Les 46-55 ans se montrent les plus intéressés – il s'agit probablement d’une génération qui s’intéresse davantage au fonctionnement de la prévoyance professionnelle.
Aujourd'hui, les rentes sont rigides et leur montant est entièrement garanti. Mais ces montants garantis coûtent cher et réduisent le potentiel de rendement. Une combinaison entre parts fixes et parts variables pourrait donc constituer une opportunité pour la prévoyance professionnelle à l’avenir.
«Un actif sur trois souhaiterait une rente avec parts variables.»
En résumé: de meilleures connaissances pour un avenir serein
Questions fréquentes
Pourquoi est-il fort probable que je reçoive moins d'argent avec une rente garantie qu’avec un modèle variable?
Pour les rentes garanties, la caisse de pension doit placer une part importante des avoirs de caisse de pension dans des placements à faible niveau de risque, des obligations par exemple. Dans le contexte actuel de taux faibles, il n’est possible de générer qu’un rendement très faible voire négatif sur ce capital. Ainsi, les garanties élevées réduisent le rendement sur les avoirs de caisse de pension et les avoirs de vieillesse augmentent plus lentement.
Et même à avoirs de vieillesse équivalents au moment du départ à la retraite, le modèle de rentes variables est plus performant et génère des paiements de rentes nettement supérieurs en moyenne. En effet, les avoirs de vieillesse restent placés après le départ à la retraite et peuvent être investis de façon plus équilibrée.
Pourquoi la redistribution est-elle si médiocre – pourrai-je en profiter moi aussi à l’avenir?
Malheureusement, c’est peu probable puisque les taux de conversion doivent et vont être réduits. Les actifs d’aujourd’hui subiront donc une double peine: la redistribution leur fait perdre de l’argent actuellement, mais tout porte à croire qu’ils ne le récupéreront pas à l’avenir, et même qu’ils recevront une rente plus faible suite à la baisse du taux de conversion.
Les retraitées et retraités actuels doivent-ils craindre que leurs rentes soient réduites?
Non, puisque les rentes en cours ne peuvent pas être modifiées. Les retraitées et retraités actuels n’ont donc pas de soucis à se faire concernant le maintien de leurs rentes.
Pourquoi un taux de conversion plus élevé n’est-il pas une bonne chose – je recevrai pourtant plus d’argent non?
Non, le taux de conversion est un pourcentage permettant de calculer le montant de la retraite. Si on compare avec un gâteau, le taux de conversion correspond au nombre de parts de gâteaux ou à la taille de chaque part. C’est la quantité d’argent que l’on peut «convertir» qui importe. Un taux de conversion supérieur ne sert à rien si on a moins d’argent à convertir. De plus, les taux de conversion élevés doivent tout de même être financés. S’il ne reste plus de gâteau pour tous les retraités, il faut redistribuer les revenus des placements des actifs. Les actifs d'aujourd'hui subiront donc une double peine: ils perçoivent moins d’argent aujourd’hui et dans le futur, et les taux de conversion seront inévitablement réduits.