Mais il reste une question à laquelle ils n’ont pas encore répondu: se marier officiellement devant un officier de l’état civil ou vivre en concubinage comme ils le font actuellement? Ils souhaitent d’abord savoir clairement quelles sont les conséquences juridiques et financières du mariage.
Quels sont les arguments plaidant en faveur et en défaveur du mariage ou du concubinage?
Chaque année en Suisse, près de 41’000 couples se disent «Oui» et se marient. Se marier ou ne pas se marier est avant tout une décision émotionnelle. Néanmoins, les personnes qui se trouvent dans cette situation ont tout intérêt à réfléchir aux conséquences financières et juridiques d’une telle décision:
1er pilier: l’assurance-vieillesse et survivants (AVS)
En situation de mariage: en étant mariés, Nina et Tom bénéficieront des cotisations de l’un et de l’autre en cas de prestations de l’AVS. Toutefois, la rente des couples mariés est limitée à une fois et demie (150 pour cent) la rente individuelle maximale de 2’450 francs suisses (situation au 1er janvier 2023). Cela signifie que les conjoints qui n’ont pas de lacune de cotisations dans le 1er pilier percevront ensemble au maximum 3’675 francs suisses par mois (situation au 1er janvier 2023).
En cas de décès de Tom, Nina, en sa qualité d’épouse, aura droit à une rente de veuve à vie. Pour cela, il faut que Nina ait plus de 45 ans, qu’elle ait été mariée avec Tom pendant au moins cinq ans ou qu’ils aient eu des enfants ensemble. Tom percevra quant à lui une rente de veuf tant que les enfants ont moins de 18 ans. En cas de décès, les enfants percevront une rente d’orphelin.
En situation de concubinage: s’agissant de la rente vieillesse, les couples qui vivent en concubinage et qui perçoivent tous les deux un revenu ont un avantage sur les couples mariés. S’ils n’ont aucune lacune de cotisation, Nina et Tom percevront des rentes individuelles (à 100 pour cent chacune) d’un montant mensuel maximum de 2’450 francs suisses, au total 4’900 francs suisses, soit un quart de plus qu’un couple marié. En revanche, ils n’ont pas droit à une rente de survivants en cas de décès de l’un ou de l’autre. Les enfants qu’ils ont eus ensemble et les enfants nés d’une autre union ont toutefois droit à une rente d’orphelin.
2e pilier: prévoyance professionnelle (caisse de pension)
Pour leur retraite, Nina et Tom ont le choix entre une rente à vie ou un versement de capital unique. L’état civil joue ici un rôle uniquement pour l’imposition – si Tom et Nina sont mariés, leurs revenus sont additionnés et imposés conjointement. S’ils vivent en concubinage, ils seront imposés séparément, ce qui est généralement plus avantageux du fait de la progression fiscale. Des différences entre les deux régimes sont à noter en cas de décès.
En situation de mariage: au décès de son épouse/époux, Tom ou Nina percevra une rente de survivants de la prévoyance professionnelle. Pour y avoir droit, le mariage doit avoir duré au moins cinq ans et Tom ou Nina doit avoir plus de 45 ans ou ils doivent pourvoir à l’entretien d’enfants à charge.
En situation de concubinage: la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle ne prévoit pas de prestation en cas de décès de l’un des concubins. Néanmoins, certaines caisses de pension, comme la Fondation collective Vita par exemple, proposent des «rentes de partenaire». Les personnes qui vivent dans une communauté de vie assimilée au mariage ou qui ont des enfants ensemble doivent absolument déclarer leur partenaire par écrit à la caisse de pension. Uniquement dans ce cas, elles pourront demander une rente de partenaire en cas de décès.
Avoirs de libre passage
Le versement des avoirs de libre passage fonctionne de la même manière que le versement du pilier 3a. Nina et Tom peuvent percevoir leurs avoirs au plus tôt cinq ans avant l’âge du départ à la retraite et au plus tard cinq ans après. En règle générale, le montant de la prestation de libre passage est versé en une seule fois.
Comme pour la prévoyance professionnelle, l’état civil a des conséquences uniquement sur l’imposition.
En situation de mariage: si l’un des époux laisse derrière lui un compte de libre passage, la banque ou l’assurance verse, en cas de décès, la prestation en capital à l’époux survivant ou à l’épouse survivante. En sont également bénéficiaires les orphelins ou les époux divorcés dès lors qu’ils possèdent un droit.
En situation de concubinage: Tom et Nina auraient la possibilité de se désigner réciproquement comme bénéficiaire pour que les prestations en capital du compte de libre passage reviennent à l’un ou à l’autre en cas de décès. Ils doivent faire part de leur souhait par écrit à leur institution de libre passage pour qu’il se concrétise le cas échéant.
3e pilier: prévoyance liée (3a) et prévoyance individuelle libre (3b)
Dans le 3e pilier, on distingue le pilier lié (3a) et le pilier individuel libre (3b).
Nina et Tom peuvent percevoir le capital du pilier 3a au plus tôt cinq ans avant l’âge du départ à la retraite et au plus tard cinq ans après. En cas de versement régulier, les prestations de prévoyance du pilier 3a sont imposées à un taux réduit, séparément des autres revenus du couple ou de la personne concernée.
Le capital du pilier 3b est versé à Nina et Tom au terme de l’assurance vie. Le versement dans le pilier 3b est exonéré d’impôt sous certaines conditions.
En situation de mariage: en cas de décès, le capital de prévoyance du pilier 3a revient en premier à l’époux survivant ou à l’épouse survivante. Tom ou Nina percevra donc la totalité du capital épargné dans la prévoyance liée.
En situation de concubinage: en n’étant pas mariés, Nina et Tom n’ont pas droit au capital épargné dans la prévoyance liée. Toutefois, dans certaines conditions, le concubin survivant ou la concubine survivante peut faire valoir des droits. Par exemple, si il ou elle a vécu avec la personne pendant cinq ans avant son décès ou si il ou elle doit pourvoir à l’entretien d’un ou plusieurs enfants. Dans l’ordre des bénéficiaires, le concubin ou la concubine se trouve alors au même rang que les descendants. L’assurance doit toutefois en être informée par écrit. En général, il est conseillé aux couples en concubinage de prendre en compte le partenaire survivant dans une assurance vie de la prévoyance individuelle libre. Dans une assurance vie du pilier 3b, le choix de l’ordre des bénéficiaires est libre.
Impôts
En situation de mariage: s’ils sont mariés, Tom et Nina remplissent une déclaration fiscale commune. Leurs revenus sont additionnés. Plus ils gagnent d’argent, plus le taux d’imposition est élevé. Comme ils ont tous les deux un revenu, ils paient plus d’impôts fédéraux qu’en vivant en concubinage. Selon une estimation faite par l’Administration fédérale des contributions, 700’000 couples sont actuellement concernés par cette «discrimination fiscale des couples mariés» face à l’impôt fédéral direct. Des efforts sont entrepris depuis longtemps pour changer cette situation.
En situation de concubinage: les couples en concubinage remplissent une déclaration fiscale séparée. Leur revenu et leur fortune sont imposés individuellement. Comme la progression de l’impôt est moins importante, les couples non mariés sont avantagés par rapport aux personnes mariées pour ce qui est de l’impôt fédéral direct.
Droit successoral
En situation de mariage: la législation suisse réglemente qui a droit à quoi quand une personne et si aucune disposition particulière n’existe (testament ou contrat de succession). L’époux ou l’épouse arrive en première position. Si Tom et Nina ont des enfants, ils doivent partager la moitié de l’héritage avec les éventuels descendants. Si le défunt ou la défunte ne laisse aucun enfant, le survivant ou la survivante perçoit la somme totale.
En situation de concubinage: en n’étant pas mariés légalement, Tom et Nina n’héritent de rien l’un de l’autre. En cas de décès, l’ordre successoral légal s’applique, lequel privilégie en premier lieu les descendants. S’ils n’ont pas d’enfants et pas de pacte successoral ni de testament, l’héritage du défunt ou de la défunte revient aux parents. Par conséquent, il est conseillé aux concubins de désigner le ou la partenaire comme bénéficiaire pour que celui-ci ou celle-ci ne se retrouve pas démuni(e) en cas de décès. Les enfants du défunt ou de la défunte héritent au minimum de la moitié selon la loi, la réserve héréditaire a été supprimée pour les parents. Si le couple n’a pas d’enfants, le concubin survivant ou la concubine survivante peut être le seul héritier ou la seule héritière.
Une convention pour l'union «libre»
Nina et Tom en concluent qu’en se mariant, ils seront mieux couverts financièrement en cas de décès qu’en étant sous le régime du concubinage. Le régime de l’union libre leur offre des avantages en termes de rente vieillesse et d’impôt sur le revenu. En revanche, selon les cantons, les concubins doivent s’acquitter d’un impôt sur les donations de leur vivant ou d’un impôt sur les successions en cas de décès. Mais quelles sont les conséquences du concubinage s’ils ont des enfants? Qu’en est-il si Nina ou Tom réduit son taux d’occupation et cesse totalement de travailler pour s’occuper des enfants?
Le conseiller en prévoyance de Nina et Tom leur suggère un contrat de concubinage. Celui-ci régit comment et à partir de quel compte bancaire sont réglés les frais de subsistance et comment sont partagés les frais du ménage et du logement ainsi que la fortune. Le conseiller en prévoyance leur recommande de dresser une liste de l’inventaire et d’établir une procuration pour les actes médicaux. Les caisses de pension de Nina et Tom proposent des rentes de partenaire. Il leur remet des formulaires pour demander une rente de partenaire à leur caisse de pension (notification de l'union, notification de la clause bénéficiaire pour le capital-décès). La rente de partenaire permet à Tom et Nina de se désigner réciproquement comme bénéficiaire au décès de l’un ou de l’autre. Le conseiller en prévoyance leur conseille en outre de rédiger un testament, une assurance vie et des directives anticipées. «Ce n’est pas la solution la plus simple», admet le conseiller en prévoyance avec un sourire en coin, voyant les regards interloqués de Nina et Tom. «Mais je vous recommanderais tout autant un testament, une assurance vie et des directives anticipées si vous souhaitiez vous marier.»
Mais ce sont moins les réflexions pragmatiques que les émotions qui font la différence pour Nina et Tom. Ils veulent se faire la promesse la plus solennelle que puissent se faire deux personnes qui s’aiment: s’aimer et s’être fidèles pour toujours. Accompagnés de leurs témoins et leurs parents, ils se rendent à l’office d’état civil la veille de la fête de leur mariage et se marient officiellement. Il fait un temps de rêve pour le barbecue géant au bord du lac. Ils font la fête jusqu’au petit matin et à part le témoin tombé dans l’eau, la fête a été aussi grandiose qu’ils l’avaient imaginée.
Que se passe-t-il au niveau de la caisse de pension après le mariage?
Pendant que Nina et Tom sont au Canada pour leur voyage de noces, l’administration poursuit son travail. Les employeurs de Tom et Nina déclarent à leurs caisses de pension qu’ils se sont mariés. Les caisses de pension déterminent l’avoir de vieillesse (prestation de libre passage) que Tom et Nina ont épargné à la date de leur mariage. C’est une étape utile en cas de divorce pour déterminer, pour chacun des époux, de combien l’avoir de vieillesse a augmenté pendant le mariage. En général, le conjoint divorcé ou la conjointe divorcée participe à la moitié de cet avoir de vieillesse.
Quand Nina et Tom rentrent de leur voyage de noces au bout d’une semaine, les nouvelles attestations de prévoyance sont déjà dans la boîte aux lettres. Leur testament est lui aussi prêt, ils ont rempli les directives anticipées et ont souscrit une assurance risque-vie pour se couvrir mutuellement. Quoi qu’il arrive, Tom et Nina peuvent aborder l’avenir avec sérénité.
Remarque: depuis le 1er juillet 2022, les partenaires de même sexe peuvent se marier. Pour cette raison, il n’est plus possible de conclure de nouveaux partenariats enregistrés. Les partenariats existants peuvent être convertis en mariage. Les différences juridiques concernent notamment la naturalisation, l’adoption et la procréation médicalement assistée.