Équitable ou injuste?
Plus tard dans la vie, le thème de l’équité joue un rôle essentiel et souvent, il s’agit une fois encore de savoir qui a droit à quelle quantité de telle ou telle chose. «C’est injuste», se lamente l’élève dont le devoir de français a seulement reçu un «Suffisant» de la part de son professeur. «C’est injuste», protestent les supporters de hockey tandis que l’arbitre refuse d’accepter un but contesté. «C’est injuste», se révolte une salariée en apprenant que sa collègue est nettement mieux payée qu’elle.
Nous percevons quelque chose comme injuste lorsque nous ne recevons pas ce que nous méritons. Au contraire, nous considérons une situation comme juste lorsque le partage est régi par des règles claires, reconnues par tous. L’élève qui a reçu une mauvaise note arrêterait certainement de se plaindre s’il vérifiait la moyenne de ses notes aux autres contrôles de connaissances. Les supporters de hockey se rendraient à l’évidence en visionnant les images au ralenti: le palet était clairement à côté. Et la salariée soi-disant lésée pourrait apprendre, en buvant un café avec sa collègue, qu’elle a obtenu son augmentation suite à une formation de perfectionnement de longue haleine. L’élève, les supporters de hockey ou la salariée: tous les trois comprennent que les règles ont été respectées et que le partage était équitable, qu’il s’agisse de notes, de buts ou de salaires.
Dans le deuxième pilier aussi, c’est-à-dire la prévoyance professionnelle, le thème de la redistribution est dans toutes les bouches ces derniers temps. Le deuxième pilier est-il équitable, le partage est-il régi par des règles claires et généralement reconnues et celles-ci sont-elles respectées? Pour répondre à cette question, cela vaut la peine d’examiner les objectifs et les règles du système de prévoyance suisse et de ses trois piliers. Ci-dessous, nous nous concentrerons sur les deux premiers piliers.
L’équité dans le premier pilier: tout le monde épargne pour tous
Lorsque le législateur suisse a créé l’AVS et par là même le premier pilier du système d’assurance sociale en 1947, le principe était le suivant: «Tout le monde épargne pour tous.» Les cotisations des personnes actives doivent permettre de verser une rente suffisante aux retraités, les cotisations des salaires élevés doivent compenser celles des bas salaires et enfin, les cotisations des personnes valides doivent permettre d’aider les invalides, les veuves et les orphelins. Dans le premier pilier, l’équité revêt donc la signification suivante: ceux qui ont suffisamment de moyens doivent donner pour soutenir les personnes dans le besoin. Au bout du compte, tout le monde est protégé et perçoit suffisamment pour vivre une fois à la retraite ou en cas de maladie. Pour reprendre l’exemple de la nourriture: chacun apporte un ingrédient pour la soupe et à la fin, tout le monde peut se servir un bol dans la marmite. Dans le premier pilier, l’équité signifie donc que les différences de revenus des personnes doivent être en partie compensées par la redistribution – afin que chacun ait de quoi vivre à la retraite.
L’équité dans le deuxième pilier: mon argent reste à moi
En tant que 2e pilier du système de prévoyance suisse, la prévoyance professionnelle existe depuis 1985. Son concept fondamental est tout autre: ici, en principe, chacun épargne pour lui-même et l’équité signifie que je pourrai utiliser moi-même les capitaux versés. L’objectif consiste à maintenir mon niveau de vie habituel une fois à la retraite, en complément du 1er pilier / AVS. Je verse certes l’argent épargné dans une caisse de pension, mais il m’appartient toujours et je n’ai pas à partager les fonds avec autrui. En effet, je le fais déjà dans le cadre du 1er pilier. En d’autres termes: dans le deuxième pilier, chaque cotisant cuit son propre gâteau et pourra le manger dans son intégralité une fois à la retraite. La taille de mon gâteau dépendra des cotisations versées et du rendement généré. Suivant le rendement, le gâteau peut même être nappé de chocolat et le taux de conversion déterminera la taille de chaque part. En principe, je n’ai pas à partager mon gâteau avec quiconque.
Mais le système de la prévoyance professionnelle est de plus en plus fragilisé. Les promesses de prestations du passé ne peuvent plus être tenues et les rendements des assurés actifs sont en partie utilisés pour verser les rentes des retraités. Cela signifie que je ne peux plus manger tout mon gâteau moi-même, mais qu’il y a d’autres fourchettes qui se servent dans mon assiette en permanence. Est-ce équitable? Quelles sont les raisons de cette redistribution?
Pour en savoir plus, consultez notre article «E quité plutôt que redistribution dans le deuxième pilier. Partie 2: Pourquoi la prévoyance professionnelle est-elle déstabilisée – quelles en sont les raisons? »